Lire cet ouvrage, c’est entamer un voyage serein en
dépit de tempêtes occasionnelles.
Au gré et au rythme de récits sur des
affaires judiciaires vécues par l’auteur dans son métier de procureur
nous quittons les rivages tranquilles de nos vies ignorantes des
mystères judiciaires et découvrons les contrées étonnantes du quotidien
des procureurs.
Dans un premier chapitre, déjà émouvant sinon
bouleversant - les larmes viennent réellement aux yeux - ce procureur
nous dit comment ces pairs se confrontent à nos humanités, à l’humanité
dans tous ses aspects et y compris les plus sombres ou lugubres et
peuvent faire preuve d’humanisme.
Puis, dans le chapitre suivant, il
nous livre ses réflexions sur la nécessité du doute dans le
raisonnement des magistrats pour parvenir à une décision basée sur une
certitude, les anecdotes évoquées sont encore une fois rudes et
touchantes tout à la fois.
Ensuite, il nous expose le sens donné ou
recherché aux peines prononcées par les tribunaux et l’histoire du
jeune gitan en prison ne laisse pas indifférent.
En tous cas dans le
quatrième chapitre, nul ne saurait rester insensible à la violence
extrême racontée par celui qui la vit dans sa pratique professionnelle
et on sort de cette partie du livre épuisé et stupéfait devant la
capacité de nos magistrats à ne pas succomber.
Le chapitre consacré à
la maladie mentale, à la possibilité ou non de juger les fous, aux
pathologies - dont la toxicomanie, l’alcoolisme, ... que rencontrent
les procureurs lors de leurs contacts avec les criminels ou les petits
délinquants nous ouvre de sérieuses pistes de réflexion sur cet enjeu
de notre société ; la place du fou.
Les développements suivants sur la
prison ne sont pas moins intéressants comme l’est le regard que pose ce
procureur sur le monde pénitentiaire ; même si l’on ne partage pas
toujours ces propositions ; mais on ne saurait rester sans tenter de
trouver une réponse à la question qu’il nous pose : est-il possible de
construire une prison républicaine, digne des valeurs de la
République ?
Dans deux chapitres successifs il nous est permis de
découvrir l’histoire, le statut, l’organisation (y compris ailleurs en
Europe) de la fonction de procureur puis son activité, ses compétences,
ses responsabilités, ses missions, somme toute un cours d’instruction
civique judiciaire.
Poursuivant, l’auteur, nous force, en recourant à
un style vraiment agréable et à des histoires captivantes, à nous
interroger sur les enjeux que notre société attend d’être traités sinon
résolus par l’institution judiciaire : les violences urbaines, le
terrorisme, le racisme, autant de situations vécues par ce magistrat
qui aborde aussi le rapport de la justice avec la presse, le monde
politique ; toujours en s’appuyant sur des affaires judiciaires que ce
procureur à eu à connaître ; au nombre desquelles le procès d’Outreau.
On se dirige tout doucement vers la fin de l’ouvrage et l’auteur nous
parle aussi des erreurs, des échecs de la justice et tente de nous
éclairer sur leurs causes ; sans ignorer les moyens dont dispose notre
justice.
Enfin, il achève son propos sur cette liberté de parole dont
disposent les procureurs. Tout au long de ce livre, on est imprégné par
l’amour véritable que porte cet homme magistrat à ses concitoyens, lui
qui fait souvent référence au concept de "frères en humanité", il donne
une belle image de nos juges et procureurs, rassurante, naïve
peut-être ; mais comme il revendique un humanisme judiciaire il
revendique le droit à la candeur.
A lire, absolument, c’est
passionnant, bouleversant, instructif, étonnant et républicain.