SARAGOSSE (AFP) - La gestion de l’eau, thème central de l’Exposition internationale de Saragosse (nord-est) qui a ouvert samedi au public, représente un véritable casse-tête pour l’Espagne, pays qui fait figure de mauvais élève en la matière.
Malgré ses grands fleuves et ses kilomètres de côtes, l’Espagne traverse régulièrement des périodes de sécheresse qui menace surtout la façade méditerranéenne du pays et l’eau est source d’âpres affrontements entre régions.
Selon plusieurs experts, les autorités espagnoles n’ont pas su gérer les réserves pour affronter correctement les périodes de sécheresse, préférant concentrer leurs efforts sur la construction de barrages pour répondre aux demandes croissantes d’une agriculture intensive et d’un immobilier en plein développement.
"En Espagne, on a pris l’habitude de ne pas prévoir de stratégies contre la sécheresse, mais plutôt de masquer la sécheresse", déclare à l’AFP Pedro Arrojo, professeur d’analyse économique à l’Université de Saragosse (nord-est).
"Chaque fois qu’il y a eu des périodes de sécheresse, de nouveaux barrages ont été construits, mais de nouveaux usages sont apparus --arrosage, urbanisation, golf--, et quand une nouvelle sécheresse arrive, les barrages sont à nouveau vide", ajoute-t-il.
L’Espagne est le pays de l’Union européenne (UE) qui consomme le plus d’eau, qui dispose du plus de barrages au mètre carré et où elle revient le moins cher aux consommateurs, selon les organisations écologistes.
Les différents gouvernements ont pourtant essayé d’établir des plans de gestion de l’eau.
L’UE n’avait pas accepté, ne le jugeant pas viable du point de vue économique et environnemental, le Plan hydrologique national (PHN) conçu par le gouvernement conservateur de José Maria Aznar (1996-2004), qui prévoyait le "transvasement" d’eau des zones les mieux approvisionnées vers les plus sèches du pays, impliquant la construction d’aqueducs.
Le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero a définitivement annulé ce plan en arrivant au pouvoir en 2004, préférant promouvoir la construction d’usines de désalinisation d’eau de mer, considérées comme plus écologiques.
Mardi, la ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de la Pêche, Elena Espinosa a annoncé la préparation d’un Pacte d’Etat sur l’eau qui prévoit d’approuver les "transvasements" uniquement s’ils sont "respectueux de l’environnement".
Les problèmes de gestion de l’eau dégénèrent parfois en affrontements régionaux.
Une première "guerre de l’eau" avait éclaté sous les gouvernements Aznar, la région de Valence (est) réclamant l’acheminement d’eau depuis l’Ebre, auquel s’était alors notamment opposée la Catalogne (nord-est).
Cette année, c’est à l’inverse la Catalogne qui menacée par une sécheresse sévère, était demandeuse d’un "transvasement" de l’Ebre, soulevant encore une intense polémique avec Valence.
Pour les organisations écologistes, il faudrait une politique d’économie de l’eau et de prévention de la sécheresse ainsi qu’une attitude responsable de la part des consommateurs, agriculteurs et constructeurs immobiliers.
Les écologistes regrettent notamment que 75% de l’eau douce soit consommée par l’arrosage. "On ne peut pas utiliser l’eau de manière incontrôlée, il faut prendre en compte" les conditions climatiques de l’Espagne, souligne Julio Barea, de l’organisation écologiste Greenpeace.
"L’Espagne ne s’est pas rendue compte des limites de l’eau", estime pour sa part Erika Gonzalez, militante d’Ecologistes en Action.
L’Expo internationale de Saragosse sur l’eau et le développement durable attend 6,5 millions de visiteurs jusqu’au 14 septembre.