Ouverture de saison de l’Orchestre de Pau Pays de Béarn sous la Direction de Fayçal Karoui avec Xavier Phillips au violoncelle.
Violoncelliste d’exception, élève de Mstislav Rostropovitch, Xavier Phillips est invité par Fayçal Karoui pour l’ouverture de saison de l’Orchestre de Pau Pays de Béarn . Xavier Phillips est né à Paris en 1971. Il débute le violoncelle à l’âge de 6 ans. À quinze ans, il entre au CNSM de Paris dans la classe de Philippe Muller et bénéficie d’une formation exceptionnelle au terme de laquelle il obtient un Premier Prix en 1989. Il remporte plusieurs prix internationaux (Deuxième Prix et Prix Spécial des Jeunesses musicales de Belgrade, Prix Spécial au Concours Tchaïkovski de Moscou, Troisième Prix et Prix Spécial au Concours Rostropovitch à Paris et Premier Prix à l’unanimité au 1er Concours d’Helsinki).
Patmos / P. Hersant
J’ai écrit cette oeuvre pour orchestre à cordes après la lecture d’un recueil de poèmes de l’écrivain transylvanien Lorand Gaspar - à qui j’ai emprunté son titre : Patmos. La première personne à m’avoir parlé de ce poète est mon ami et confrère Jean-Louis Florentz, hélas disparu très prématurément il y a quelques années. Sur la partition de sa dernière oeuvre pour orchestre, Qsar Ghilâne, il avait inscrit en exergue quelques vers extraits de ce recueil : c’est ce qui m’a incité à lire le livre entier. Ému par cette découverte, j’ai voulu rendre un hommage musical à la fois au poète et à l’ami disparu. Ma pièce est construite autour de quelques mesures tirées de Qsar Ghilâne : un bref passage, dévolu aux seuls instruments à cordes, et qui m’avait frappé, dès la première audition, par son éloquente et fervente simplicité. Ce motif, très présent tout au long de l’oeuvre, se mêle peu à peu à des évocations de carillon (celui du Monastère St Jean à Patmos) et des souvenirs de choeurs orthodoxes, dans une atmosphère que j’ai voulue continûment sereine et religieuse.
Philippe Hersant
La symphonie concertante S. Prokofiev
C’est Mstislav Rostropovitch qui assura la partie de violoncelle lors de la création de la Symphonie concertante, en 1952. On ne compte plus les oeuvres dont le célèbre violoncelliste fut le commanditaire, le créateur, ou encore le dédicataire. Son influence auprès de Prokoviev ne fait en tout cas pas mystère, ne serait-ce que par le niveau auquel il avait hissé l’art du violoncelle, tant sur le plan technique qu’expressif. Mais c’est aussi sur un plan plus personnel que l’influence de Mstislav Rostropovitch fut décisive. On sait que Prokoviev souffrit beaucoup de la pression qu’exerçait sur lui le régime soviétique. Il fut tout particulièrement accablé par les résolutions du Comité Central du Parti Communiste concernant le domaine musical, et par les violentes accusations que Jdanov dirigea contre les compositeurs dont il dénonçait l’esthétique « décadente ».
Mstislav Rostropovitch devient donc son principal soutien, tant affectif que politique. Il suffit de relire les déclarations du violoncelliste pour en prendre la mesure : « Sergueï Prokoviev a été mon mentor et mon idole, un homme pour lequel j’avais une immense admiration. C’est un grand privilège de mon existence d’avoir pu connaître des musiciens comme Chostakovitch et Britten, d’avoir aussi réellement rencontré et conversé avec Picasso, Chagall, Henry Moore, Charlie Chaplin. Mais le plus important de tous ces privilèges extraordinaires a été ma « parenté » avec Sergueï Prokofiev ». La symphonie concertante est en réalité une réécriture du concerto pour violoncelle opus 58. Prokofiev n’était pas satisfait de ce concerto, notamment en ce qui concernait la forme, qu’il trouvait déséquilibrée. Remaniant cette première oeuvre avec l’aide de son ami Mstislav Rostropovitch, corrigeant les défauts qui l’avaient laissé insatisfait, il accorde une plus grande importance à l’orchestre, et très vite, l’équilibre se modifie. L’oeuvre n’est plus un concerto pour violoncelle, dans lequel un soliste s’oppose à la masse orchestrale, mais la rencontre de deux forces traitées à égalité : le violoncelle et l’orchestre. D’où le titre « mixte » de Symphonie concertante, qui résume efficacement le principe de ce nouvel équilibre. Il ne faudrait pas en conclure que la partie de violoncelle devient secondaire. Au contraire, la virtuosité de Rostropovitch fut un ressort essentiel de la créativité de Prokofiev, car il ne s’agissait pas de reléguer le violoncelle au second plan, mais bien plutôt de le faire sonner autrement, pour susciter d’autres types d’échanges avec l’orchestre. Le pianiste Sviatoslav Richter, qui dirigea l’orchestre lors de la création (s’étant foulé un doigt lors d’une rixe, il prenait alors des cours de direction d’orchestre auprès de Kirill Kondrachine), en témoigne avec humour : « La partie soliste était tellement nouvelle sur le plan des sonorités qu’elle déclenchait de violentes hilarités chez les violoncellistes ». Il en résulte un univers à la fois ironique et lyrique, où alternent grincements inquiétants et générosité mélodique.
Fériel Kaddour
Symphonie opus 20 / E. Chausson
Composée entre l’automne 1889 et 1890, la Symphonie opus 20 de Chausson peut être considérée comme un trait d’union entre l’héritage du franckisme (Chausson fut l’élève de Franck, et l’un des plus éminents représentants de son école), et les débuts de l’impressionnisme musical. Elle combine à la fois les influences wagnériennes qui furent à l’origine du renouveau harmonique de Franck, et des couleurs pré-debussystes. L’oeuvre est créée le 18 avril 1891 à Paris, salle Erard, dans le cadre de la Société Nationale de Musique. Elle rencontrera très tôt son public, et sera dès lors régulièrement jouée. Il n’est pas anodin d’en rappeler le contexte : elle s’inscrit en effet dans une période prolifique de l’écriture symphonique française. Camille Saint-Saëns, Edouard Lalo, César Franck bien sûr, ont eux aussi écrit leur « Symphonie » - Paul Dukas suivra de peu, en 1897. On décèle dans cette tendance une volonté d’imposer un style spécifiquement français dans un paysage symphonique qui semblait devoir être abandonné à la tradition germanique. La Symphonie opus 20 n’est pas une oeuvre à programme ; pourtant, l’influence du genre « poème symphonique » se fait clairement sentir, car de son écriture, on semble d’abord retenir le caractère, au détriment parfois du classicisme de sa structure. On lira quelques décennies plus tard, dans la Revue Musicale de décembre 1925, sous la plume de Gustave Samazeuilh : « Un charme pénétrant, le plus souvent voilé de mélancolie, une sérénité calme et grave, n’excluant pas de brusques élans de passion, une sincérité et une délicatesse infinie : telles sont sans doute les qualités dominantes de la musique de Chausson. » On le remarque dans cette prose, la forme se fait oublier au profit du rythme intime de la sensibilité : ce sont « les élans de la passion » qui occupent le premier plan, la peinture des atmosphères, des états d’âme, qui retiennent l’attention du musicologue d’alors, non pas l’efficacité du plan formel, ou encore l’inventivité expressive de l’écriture harmonique. Car c’est là le paradoxe de cette musique : la tension de son écriture, toujours mouvante et chargée, s’accompagne d’une relative clarté du plan d’ensemble. A petite échelle, l’oreille se perd dans les multiples modulations ou les effets détaillés d’orchestration -Jacques Lonchampt dira de cette écriture qu’elle « vous tient le coeur en alerte ». Mais à grande échelle, l’épure formelle est d’une rare efficacité. Si cela n’empêche pas le renouvellement de la forme, notamment du fait de la souplesse dont use Chausson dans la conduite thématique, il n’en reste pas moins que le compositeur reste à ce titre un compositeur d’esprit français : le métier est solide, qui sait peindre le tourbillon sans jamais s’égarer. Le premier mouvement surprend d’abord par la multitude de ses indications de tempo : Lent, Allegro vivo, Allegro molto, Allegro scherzando, Allegro molto, Allegro vivo, Allegro molto, Presto ! C’est dire que le discours choisit délibérément d’être instable, de suivre au plus près le mouvement incontrôlable des humeurs. Mais cet éparpillement apparent laisse cependant poindre une organisation thématique rigoureuse : les changements de tempo permettent de mieux caractériser les différents thèmes, de rendre plus nettes les réseaux d’opposition qui s’y dessinent. L’ensemble suit le plan traditionnel Exposition/Développement/Réexposition, et s’achève sur une coda. Le deuxième mouvement, Très lent, est indiqué : « avec une grande intensité d’expression ». L’intensité de l’écriture aurait sans doute suffit à porter cette dramaturgie. L’utilisation des cordes graves, la densité de l’harmonie, soutiennent un thème d’une remarquable ampleur. On retrouve dans cette page des éléments du premier mouvement : prédilection pour les intervalles de tierces, courts motifs en écho. Ce procédé est tout à fait représentatif de l’écriture de Chausson, compositeur « cyclique » par excellence. Mais il faut aussi entendre que ces jeux de redites ne sont pas les simples signes d’une pensée formelle organique : il s’agit tout aussi bien de souligner les capacités de métamorphoses de la musique, et de faire sentir le poids du temps qui passe sur la forme musicale. Avec le final, on retrouve la multiplicité des indications de tempo du premier mouvement, et le même caractère mouvant : Animé, Très animé, Grave, Modéré, Largement. Ici, la pensée cyclique se fait plus évidente, puisque Chausson semble vouloir conclure sur une récapitulation de tous les thèmes qui ont précédé.
J’étais hier soir au concert et j’étais ébloui. Une virtuosité qui égale celle des plus grands violonistes mais que je n’avais pas encore vue chez un violoncelliste, et une qualité de son extraordinaire.
Merci à Fayçal Karaoui de nous faire découvrir de tels artistes
> Un virtuose à L’OPPB
12 octobre 2008, par flo
un concert sublime. Un heritage "prokovief, rostropovitch, philips" de toute beauté. Un violoniste imprégné jusqu’au fin fond de l’âme par sa musique. Un pur moment de grace. (etre devant la scene c’est le pied, on profite de toute les sonorités !)
> Un virtuose à L’OPPB
12 octobre 2008
JYS et Flo : Rien sur la symphonie de Chausson ? C’est pas un artiste à decouvrir, Chausson ?
> Un virtuose à L’OPPB
1 novembre 2008, par flo
j’ai pas aimé la symphonie de Chausson.. désolé !
C’est pas mon genre de musique. J’ai un peu somnolé pendant. (Je sens que je vais pas me faire des amis la :) )
> Un virtuose à L’OPPB
1 novembre 2008, par flo
à mon premier message j’ai marqué violoniste au lieu de violoncelliste ! Honte sur moi ! Pardon !