Réalisateur : Clint Eastwood Scénariste : Anthony Peckham Avec : Matt Damon , Morgan Freeman , Robert Hobbs, Tony Kgoroge...
Synopsis : En 1994, l’élection de Mandela marque la fin de l’Apartheid, mais l’Afrique du Sud reste une nation profondément divisée sur le plan racial et économique. Pour unifier le pays et donner à chaque citoyen un motif de fierté, Mandela mise sur le sport.
Clint Eastwood tourne à une fréquence surnaturelle. Il en est à son 30e long métrage. Agé de 80 ans, il n’en finit plus de surprendre en chevauchant les styles. On compare sa productivité à celle de Woody Allen. Sa carte de visite est autrement plus variée (Bird, Unforgiven, Sur la route de Madison, A perfect world, Mystic River, Million Dollar Baby, Gran Torino etc..). Ici il n’est pas question de théâtre filmé, d’improvisation et de psychodrame freudien. Avec Clint on est dans le message clair, direct, frôlant parfois le discours républicain. Une fois n’est pas coutume il ne sera pas question de vengeance. Il s’agira de pardon, thème biblique magnifié par un homme qu’il a choisi de mettre à l’écran. Nelson Mandela, condamné à 27 ans d’enfermement et qui à la sortie de Robben Island réussit le tour de force de pardonner à ses geôliers.
Invictus, c’est avant tout le titre d’un poème de William Ernest Henley qui permit à Mandela de surmonter les travaux forcés et l’étroitesse de sa cellule. C’est aussi le titre d’un film qui ne restera pas dans les annales du cinéma mais qui aborde avec légèreté un épisode de l’histoire sud africaine. Celui de la réconciliation nationale. A sa prise de pouvoir, Mandela constate que le pays est toujours divisé. Les Afrikaneers sont désespérés de le voir à la tête de l’état et les anciens oppressés ne sont pas prêts à pardonner à leurs bourreaux. Mandela cherche donc une solution et l’arrivée de la coupe du monde de rugby lui semble providentielle. Symbole d’une Afrique du Sud blanche, conspuée par le reste de la population, Mandela veut qu’elle devienne le lien d’une unité nationale. Et cela ne pourra se faire que dans la victoire. Le hic c’est que l’équipe est à la ramasse, personne ne la voit remporter le titre mondial.
Eastwood réalise deux films en un. Premièrement il retrace avec brio et humour la première année de fonction de Madiba. Ensuite il raconte avec un peu plus de lourdeur l’épopée d’un tournoi de rugby, on se farcit donc les springbox contre l’Australie, les springbox contre les Samoa, les springbox contre la France et enfin la finale contre Lomu et les All Blacks. Certes il filme là où aucune caméra sportive n’a jamais été, au cœur de l’action. Les mêlées animales ne rendent pas trop mal mais il faut bien avouer que l’argument principal du sport télévisé, l’indécision du résultat, fait ici cruellement défaut. Pour le reste, Invictus séduit. Freeman est parfait, subtile, doux et intelligent, il est Mandela. Damon, capitaine de l’équipe des springbox, fait ce qu’on lui dit de faire, parler avec l’accent sud af, ne pas trop réfléchir et plaquer Lomu. Pourtant ce ne sont pas les deux acteurs principaux les stars du film. Les vraies révélations ce sont les gardes du corps et les assistantes de Mandela. Très tôt, Eastwood prend le parti pris de narrer la réconciliation nationale à travers l’évolution d’un groupe social donné où des blancs et des noirs se côtoient, à savoir les gardes du corps de Mandela. Au début ils ne savent évidemment pas se piffer. Le rugby aidant ils vont devenir de sacrés copains, accolades viriles et parties de ballon dans le jardin. Manque plus que deux ou trois saucisses, des bières et un barbecue. Mention spéciale donc à ces acteurs qui jouent à la perfection et qui rendent le film vraiment sympathique. Les assistantes de Mandela ne sont pas en reste, Bonnie Mbuli qui joue Zindzi notamment dont le sourire dépasse tous les discours sur la non-violence.
Oui on passe un bon moment, vraiment. On comprend Eastwood. Il replace l’Afrique du Sud au centre des débats juste avant la coupe du monde. C’est que la réconciliation on l’attend toujours. Certes tout le monde dit avoir pardonné. C’est de bon ton. Mais les townships sont toujours là, et la colonisation est encore dans l’esprit des bourgs, the old good time, comme ils aiment à se le remémorer. La coupe du monde fera l’impasse sur ces reportages de traverse, on sourira dans les stades le visage barré d’arc-en-ciel mais de l’autre côté des gradins, dans les cahutes en taule, personne ne sera dupe !
Assez d’accord avec cette critique.
Sauf peut-être, au dernier paragraphe, ce
"colonisation est encore dans l’esprit des bourgs"
doublement malencontreux,
Bourgs pour Boers, supposé-je ? et ce "colonisation"... L’Afique du sud ne fut jamais colonisée. D’où justement cette difficulté à résoudre le problème de la cohabitation noirs-blancs et l’apartheid. Personne n’a jamais contesté la légitimité des Afrikaners à la revendiquer. Pas pour eux seuls, c’est tout.
> Invictus
27 janvier 2010, par Marc
Bourgs !! Elle est bien bonne celle là ! C’est amusant parce que "Boers" s’appliquait au départ aux paysans par contraste avec les "Burghers", les habitants des villes. De toute façon, on ne parle plus à l’heure actuelle de Boers mais simplement des Afrikaners.