Ludmilla Ludmilla ouvre la porte, mon Dieu ! J’ai bonne mine, tout nu sur le perron ! Non non non ce n’est pas moi qui aie commencé ! Je sentais bien que ta demande était bizarre aller à la Trinité sur mer pour voir si la marée montait mais je l’ai pris comme une gageure quel âne je fais c’est la deuxième fois j’aurais dû me douter déjà la première quand il m’a fallu aller vérifier si la voiture était bien fermée à clé alors que cela faisait un mois qu’on l’avait volée et me voilà parti à travers champs j’arrive à la petite nuit au pied d’un immeuble qui a poussé là comme un cep en automne la concierge ressemble à une fée quel numéro votre voiture ? ah ben elle est occupée y a deux jeunes qui dorment dedans depuis une quinzaine mais propres sur eux les jeunes et le garçon, poli je vous dis pas monsieur à votre place je leur laisserais les clés, faut que ça roule la jeunesse mais vous par contre un petit remontant ne vous ferait pas de mal et, quel âne je fais, je lui réponds en effet à cette concepige à tronche de fée et au final je rentre à pied et toi pendant ce temps encore un peu de vie commune qui fout le camp en plus je me fais enguirlander car j’ai laissé les clés dans la sous tasse de la concierge qui possède une cinquantaine de boîtes à thés savoureux et tu sais ce que c’est une vraie pipelette j’ai eu droit à tout, même à la thèse qu’elle a défendue à la Sorbonne en avril 1978 à l’éducation de ses enfants qui, montés les uns sur les autres, sont plus hauts que la tour Eiffel en 1882, au mari alcoolique qu’elle saoûle de mots jusqu’à la cirrhose et qui s’engage dans les brigades internationales levées par un vieux Bourbon, prend l’avion à Biarritz Parme et atterrit dans une colonie sud américaine que les ethnologues oenologues cataloguent dans la catégorie 4 roses, un doigt de peyotl et deux doses de Cachaça, là il rencontre Glauber Rocha et fait fortune dans les mines d’émeraudes, Salgado le photographie, il devient une icône et elle, elle apprend le portugais pour suivre sa vie dans les télé-novelas brésiliennes en dansant la samba devant son poste en fusion ensuite je rentre tu es là devant moi j’entends les oiseaux chanter dans ton portable tu me regardes avec commisération et aux commissures de tes lèvres un commissaire portant un bouc d’enseignant rit de toutes ses vraies dents.
Ludmilla je t’en conjure ouvre-moi c’est promis je ne recommencerai pas pardonne à un ignare comme moi qui ne sait pas faire la différence entre le bouclier de Brennus et le bouclier fiscal d’en être arrivé là à se présenter tout nu sur le perron c’est vrai le demi de mêlée avait la corpulence d’un minotaure et même la gueule et l’ailier était inimitable quand il poussait le chant du coq en agitant les bras sous la douche je reconnais que le torse velu de l’arrière avait de quoi charmer un choeur de vierges d’âge canonique, oui j’avoue que mes sources d’inspiration viennent toutes de Wikipédia et que je n’y connais rien en rugby mais j’adore les transformations qui sont mon identité culturelle quand d’un coup de pied on transgresse les poteaux et que mon ambition s’installe dans un rectangle de 75x105 m avec des garde-fous car au-delà c’est le peuple qui joue à coups de pains plein les gencives mauvais perdants crétins gagnants esprits de clochers louangeant les mêmes vierges effarouchées pendant que toi dans tes cornues tu prépares des formules lapidaires avec l’agent du fisc et l’avocat qui réduit aux caquets notre fortune commune et bien sûr quand j’arrive le chien aboie joyeux plein de vie et le soleil trempe ses biscottos dans l’eau bleue de la piscine pendant que d’un signe le chant sur l’onde signe mon hallali Ludmilla Ludmilla j’aimerais tant te serrer dans mes bras te rouler dans les draps te montrer Montmartre sans monter sur l’escabeau mais ouvre la porte, mon Dieu, Ludmilla, qu’au moins, au moins je récupère mon chapeau !
-par AK Pô
10 04 10
samedi 17 : saint Anicet. Dicton : "A la saint Anicet, prend le plus court chemin pour aller l’enlacer"
Aux dernière nouvelles, Ludmilla Lioubovna a quitté Paris pour participer au tournoi d’Anchorage, qui a la particularité de se jouer sur terre glacée. Elle est qualifié pour les quarts de finale mais cela ne l’empêche pas de se morfondre, seule dans sa chambre d’hôtel. Elle risque d’y être coincée encore plusieurs jours du fait des menaces que font planer les nuages de cendre. Heureusement, le thé est bon, noyé de gin - elle emporte toujours une flasque de sa marque favorite - et les couchers de soleil sont magnifiques en cette saison.
Attention Ak Pô !
La ponctuation forte, c’est le code de la route de l’écriture. Vous gênez le lecteur à ne pas respecter ses arrêts et le sens de circulation des mots sous ses yeux.
Si tout le monde faisait comme vous, ce serait l’embouteillage permanent dans nos têtes.
Tout ça pour récupérer votre chapeau. Non mais quel égoïsme