Quand je l’ai vue au fond de ma boîte aux lettres, j’ai su qu’irrémédiablement l’automne était là. Chaque année, c’est sans fioriture aucune que ma feuille d’imposition revient s’y déposer. C’est d’ailleurs pourquoi on l’appelle feuille d’ impôt sur le revenu. C’est aussi pourquoi un jour je me tirerai ailleurs, avec pour tout bagage un pot de fleur débordant de chrysanthèmes couleur ardoise bleutée que les agents du CDI viendront arroser de leurs larmes sincères, à toutes fins désormais inutiles.
Je sais que mes impécunieux détracteurs penseront que j’ambitionne de ruiner par la plume cet été indien magnifique que les vacanciers de retour de congés soldés attendent comme un lot de consolation , que pour l’automne un délai calendaire d’un mois court encore qui permet de voir venir l’échéance et que la mensualisation, si elle n’enlève pas le poids de la somme à payer, la régule comme les petits ruisseaux font les grandes rivières. Certes, comparer le flux migratoire des cigognes et des palombes à un transfert de fonds sybillin/abyssin entre une banque privée et une perception serait irréaliste, surtout pour quelqu’un qui, comme moi, consulte l’avenir chaque jour en ouvrant son porte-monnaie.
Combien de ces feuilles ai-je donc amassées au cours de ma longue carrière, et combien de jardiniers de l’ombre ont-elles entretenus, taillant et ciselant les topiaires budgétaires en graphiques du CAC40 ? N’y pensons pas. Seul le regret que je porte en moi de ne guère en payer davantage, d’impôts et donc de jardiniers, me distrait de ma nostalgie.
Car il est une chose fondamentale sur laquelle repose toute société : celle de ne jamais dire du mal des jardiniers. Le danger d’un procès en diffamation ou d’une succession de poursuites pour propos offensants envers un représentant légal de jardin public représente pour mes finances un ministère que je ne puis gérer sans courir le risque d’une banqueroute immédiate. Et devoir être obligé de pisser dans les plates-bandes ou derrière un gingko biloba à proximité des halles quand on a tout perdu, procès et logis compris, est un destin que je voudrais à tout prix (c’est une expression) éviter, non seulement pour moi, mais aussi pour Toutouzouzou, mon fidèle compagnon à quatre pattes (mais chez lui, c’est un comportement naturel et ancestral).
C’est difficile, d’autant que certaines eaux minérales ont des vertus diurétiques reconnues par décret depuis des lustres, notamment dans le nord du massif central, mais pas uniquement. N’avions-nous pas Ogeu avant que d’avoir Gurs ? Ou le contraire.
Oui, me dis-je, payer plus d’impôt sur le revenu serait d’une grande richesse spirituelle pour moi. Appliquer le principe des princes magnanimes, répandre la manne généreuse de mon travail acharné sur l’insolvabilité béate du petit peuple qui, nonchalamment, pique-nique ou fait la sieste en écoutant radio Pau-Potins sur les bords champêtres du gave, le dimanche. Ah ! faire partie de ce 1% qui, à lui seul, contribue pour 37% du montant des sommes collectées, sommes qui ne permettent même pas de rembourser les intérêts de la dette nationale, n’est-ce pas un insigne honneur pour un légionnaire du travail, qui risquerait pour un rien, un mot de trop, d’être mis sur le sable pour avoir flétri une rose orgueilleuse par sa prose sincère, éraflant la vision cyclopédique d’une petite reine hivernale saisie hors du feu des lampions, dans les jardins à la française d’un de ces princes aux ordres d’un empereur ?
Plus amples que des feuilles de platane ou de vigne, derrière lesquelles se dissimuleraient des attributs virils, ces bijoux de famille qu’il ne faut exposer qu’en grandes circonstances, sous la houlette complaisante des marchands de vent et d’illusions qui ne s’offusquent ni ne s’offensent à l’écoute de blagues bigardiennes bien en dessous de la ceinture, mais qui savent condamner l’écrit d’indignation couché sur une feuille volante et virtuelle à eux seuls adressée, voici venir l’escadrille silencieuse des A3 aux ailes gigantesques (IR, Foncier et Habitation), frappés du sceau de la démocratie républicaine, vol-planant sur l’automne des dépenses budgétaires nécessaires au bien-être de tous, y compris de ceux qui n’ont en poche que leur mitraille, menue monnaie pour ventres affamés.
Ainsi en est-il de l’automne. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle et les appels à plus de justice sociale à coups de râteaux, dans les tribunaux. Les jardiniers d’Eden nettoient le champ des libertés pour laisser place nette à la neige hivernale, qui ne manquera pas d’étaler son linceul sur les branches dénudées de nos bras osseux et paralytiques. Mais sur ma boîte aux lettres hexagonale dont la fente sera scellée à la cire cachetée seuls les rouge-gorges viendront siffler et persifler aux oreilles des jardiniers et gardiens de cimetière, pour la plus grande joie des trépassés de la liberté d’expression.
t’as un chouette style, AK Pô, mais des fois le texte est tellement étiré que le lecteur se demande jusqu’où tu vas l’emmener ...
> L’Automne, cette année, a un temps de saison.
23 août 2010, par le coq préparez la rentrée.
Erreur Claudiqus fais le couillon et t’auras mal à l’oignon....c’est une voix sans écho. Bonne rentrée.
> L’Automne, cette année, a un temps de saison.
23 août 2010, par claudiqus
merci pour la rentrée ... que j’espère sans douleur !