Est-ce parce que les rêves cheminent en nous et de temps en temps font escale dans la réalité que nous conservons notre jeunesse intacte ?
Les battements du cœur en sont-ils le moteur, les émotions le vecteur ?
Pourquoi, quand s’installe le doute, se tarissent les sources d’inspiration, pourquoi alors tous ces mots profonds en perdition rejaillissent-ils tels des nénuphars dans un tableau de Monet ?
Que tenons-nous en nous-mêmes qui ne soit désespéré : nos vérités condamnées, nos histoires dépassées, notre quotidien fourvoyé ?
Les mots sont-ils le bras armé des songes, et les mensonges la vérité des balles ?
Baisser les yeux vers la terre ou les lever vers le ciel, n’est-ce pas perdre l’espoir de l’horizon ?
La beauté élégiaque n’est-elle que le reflet de la noirceur intérieure, la douleur déchire-t-elle la poésie, ou est-ce l’ombre qui rédige les phrases scintillantes ?
Pourquoi sommes-nous figés en nous-mêmes alors que changent les saisons, comment l’homme peut-il alors se fondre dans la nature, quand il n’exploite que sa raideur et son intransigeance ?
Qu’ont fait les oiseaux, sinon voler nos ailes et nos chansons ?
Sont-ils fiers de voler au-dessus des hommes et des villes, ou le font-ils par habitude, sans penser au mal qu’ils nous ont fait, sont-ils pardonnables et nous minuscules, mouches invisibles, vers peu reluisants ?
Que deviennent nos regards, perdus dans ceux des autres ?
Où voyagent les yeux, derrière les paupières closes ?
Qu’emportent les amants, que conservent les maîtresses,des miettes de plaisirs, des pans de souvenirs, des élixirs troubles riant dans des cornues ?
La nostalgie est-elle le parfum des femmes qu’on a aimées, l’envers d’un monde qui avance à reculons en criant "demain ! demain, je reprendrai la route qui mène à toi !" ?
Ecrire, est-ce se relire mille fois pour mieux s’indéfinir et morceler l’ultime instant, penser que la mort ne tue que la main, jamais l’esprit, jamais l’illusion ?
La nourriture admet-elle qu’elle n’est qu’un maillon de la pourriture, que de la décomposition renaissent les potagers et l’appétit de vivre ?
Qui dira au fou qu’il est insensé, tant la raison d’être d’un fou est de s’aliéner la vérité des autres ?
Pourquoi me poser ces questions, inspecteur, vous savez que je n’ai pas d’alibi, que mes réponses n’influeront pas sur la décision du jury. A peine condamneront-elles ma pensée à croquer dans la mort le fruit des libertés, coupable désigné fautif d’avoir usé du droit de vous parler, d’homme à homme ?
Pensez-vous que quelques années à l’ombre suffiront à répondre à vos interrogations ?
Non, mais vous avez de l’humour, inspecteur.
Brigadier, jetez-moi ce type en Enfer, avant que je ne le mette en pièces. J’ai du boulot, moi !
-par AK Pô
01 11 2010
PS : bonne chronique de C. Laborde ce mois-ci sur Pau.fr.
Comme c’est le printemps des poètes qui se la pètent, un court poème de René Char (in "Lettera amorosa") :
Je ne confonds pas la solitude avec la lyre du désert. Le nuage cette nuit qui cerne ton oreille n’est pas de neige endormante, mais d’embruns enlevés au printemps.