Il y a très longtemps, dans un pays très lointain, il y avait un roi. Roi, certes, à qui une grosse douzaine de barons voisins faisaient allégeance ; mais roi rêvant de plus de gloire encore, pour égaler ses grands voisins ou ses illustres prédécesseurs. Ses ennemis colportaient la rumeur qu’il se verrait bien pharaon, et qu’il n’écrasait ses sujets d’impôts que pour se bâtir une moderne pyramide. Pures calomnies d’ennemis jaloux, bien sur.
Venu de loin, venu d’on ne sait où, un gourou vint trouver le roi et lui dit : « pour augmenter votre gloire, je vous bâtirai un buisson de fils de verre, aux multiples entrelacs, portant, en un instant, en chaque chaumière de votre royaume, tous les spectacles de l’univers. Chacun s’émerveillera d’une telle oeuvre, vous sujets vous louangeront, et tous les princes d’Europe vous envieront ». « Fais donc ainsi », dit le roi, « Mais ce buisson de verre, il lui faut un nom, pour que chacun le nomme. Et pour étonner davantage encore le monde, nous le désignerons non point en langue vulgaire, mais en langue étrangère. « Palace of Brillant Cristal » me semble convenir.
Et l’ouvrage commença. A grands frais l’on acheta le miraculeux fil de verre ; les meilleurs artisans furent mandés de l’assembler. Et le roi anticipait de grandes réjouissances.
Mais doucement le vent de la fortune tourna. Le gourou s’enfuit au loin. Quelques ennemis du roi disaient, sans preuve aucune, que le précieux fil de verre était fourni par ses parents.
Quelques barons, et non des moindres, s’inquiétaient du coût de l’ouvrage, et de la brillante absence des spectacles promis. Le peuple, hostile aux prononciations étrangères, refusait de prononcer le nom du « Palace of Billant Cristal », et disait seulement « PBC ». Mais surtout il refusait, hors quelques courtisans, de payer la dîme permettant de voir dans le buisson de verre.
Le roi, fort marri, mais qui ne voulait en faire montre, fit donc rechercher deux nouveaux gourous. Le premier pour convaincre le peuple de regarder son PBC. L’autre pour lui bâtir un autre ouvrage pouvant émerveiller le monde. Il en vint un, d’orient, qui lui dit : « pour augmenter votre gloire, je vous bâtirai une bibliothèque, plus magnifique encore que celle d’Alexandrie. Chacun s’émerveillera d’une telle oeuvre, vous sujets vous louangeront, et tous les princes d’Europe vous envieront ».
Ce qu’il advint ensuite, nul ne le su. Mon ancêtre qui avait recueilli cette histoire fut embastillé avant que de la terminer.