À l’occasion de ces fêtes de fin d’année, les animaux ont beaucoup donné, soit par leur présence chaleureuse auprès des personnes seules ou des enfants, soit comme « gardien » sécurisant des familles ou des locaux, soit par leur sacrifice pour notre alimentation, notre habillement, notre plaisir (la chasse)...
Pendant quelques instants, penchons-nous, partiellement sans doute, sur un sujet, oh ! combien secondaire pour certains, très important pour d’autres, sur les rapports de l’homme avec l’animal, vertébré surtout.
Observer l’animal, une façon de s’interroger sur nous-même.
Dans l’Antiquité, tout ce qui est « animé » possède une âme. Le latin anima est le « souffle, l’âme », d’où vient le terme animal.
À l’avènement des trois religions du livre, dans les cultures occidentales, seule la « grâce de Dieu distingue l’homme des autres êtres animés ; peu à peu, la rupture entre l’homme et la nature, comme entre l’âme et le corps, est devenue un paradigme, encore tenace d’ailleurs.
Pourtant la limite est longtemps restée floue : on humanise l’animal dans les fables de La Fontaine, on animalise l’homme dans les portraits de Lebrun ; les procès animaux sont fréquents au Moyen-Âge, ils ont droit à un avocat, on excommunie chenilles ou mulots à la pelle !!
Avec Descartes, la rupture est consommée ; il développe la théorie de l’animal machine,
lui dénie toute forme de conscience. Malebranche, à qui on reprochait
de battre son chien, répondait :« Ne savez-vous pas que cela ne sent point ! »
Des failles apparaissent avec les grands naturalistes comme Buffon et Linné.
Même si les croyances chrétiennes sont toujours présentes, Buffon évoque
« l’effet miroir » ; « Si les animaux n’existaient pas, ne serions-nous pas encore plus incompréhensibles à nous-mêmes ». Les éthologues, dont le plus
célèbre est Konrad Lorenz , critiquent les expériences de laboratoire et montrent le conditionnement du milieu sur le vivant ; la sociobiologie est en marche.
Après Darwin, il ne devenait plus possible d’isoler l’homme de l’animal Pour
Pascal Picq, paléoanthropologue, « L’homme est un singe qui refuse de se voir
comme tel » C’est encore loin d’être admis par le commun des mortels !
Au XVIIIe siècle ,en réaction aux pratiques de la chasse traditionnelle,
naissent la reconnaissance de la souffrance et de l’intelligence animale et les premiers mouvements protectionnistes. La dérive antropomorphiste prend parfois même des formes extrêmes où l’animal devient « humain ». Beaucoup s’élèvent contre cette dérive ; l’ethnologue Jean-Pierre Digard considère que de promener son chien dans une poussette est une forme de maltraitance qui nie la différence et les besoins de l’animal. Il y a une différence entre prêter des sentiments aux animaux et leur prêter nos sentiments.
Actuellement, pour Loïs Laïmène, droit de l’environnement, Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille, l’animal, dans la société, est situé à mi-chemin entre les choses et les hommes. Les carences du droit ont généré les mouvement de la protection animale. De nombreux dossiers ont été médiatisés : massacre des phoques au Canada, les conditions déplorables d’élevage, du transport et d’abattage des animaux de boucherie, la corrida, le gavage, très français, des oies et des canards, la vivisection ; l’exploitation des animaux de cirque , le calvaire des animaux à fourrure en Chine.... La mobilisation de l’opinion publique a permis des avancées : l’interdiction en Union européenne d’importer des fourrures de Chine, ou, aux USA, l’interdiction de la viande chevaline.
En France, aux termes de l’article 528 du code civil, « les animaux sont meubles
par nature (par opposition à immeuble) » ; les animaux d’élevage sont, quant à eux, considérés comme des immeubles par destination, conformément à l’article524 du code civil. Le caractère sensible de l’animal est donc bafoué. « Une
chaise aurait-elle la même sensibilité qu’un animal ? » Loïc Laïmène.
Malgré quelques réformes, les régimes diffèrent encore suivant que l’animal a
un propriétaire ou qu’il n’appartient à personne.
Dans le premier cas,, sont répréhensibles par une peine de prison et une amende,
au terme de l’article 521-1, les abandons, les actes de cruauté, sévices graves ou de nature sexuelle sur les animaux domestiques, apprivoisés ou en captivité,
ainsi que pour les animaux d’élevage, de zoo et de cirque.
Les courses de taureaux, les combats de coq sont autorisés, considérés comme
« des traditions ». Ce sont plutôt des coutumes ; bien d’autres ont disparu !!!
La faune sauvage n’appartenant à personne, l’appropriation est donc possible,
notamment par un acte de chasse, sauf dans le cas d’appartenance à une espèce menacée. Un mauvais calcul distingue les espèces dîtes nuisibles, détruites au prétexte de la protection des cultures ou des autres espèces de la faune sauvage.
Dans une société qui n’est plus « chasseurs-cueilleurs, se veut civilisée, éclairée et sensible, réapprenons aux jeunes que la viande sous plastique ne pousse pas sur les arbres mais résulte de l’abattage d’animaux sensibles subissant la
souffrance et le stress du condamné à mort innocent. Celui qui mange de
l’agneau est-il prêt à le tuer ?
Notre biologie impose un régime avec des protéines animales ; toutefois :
La viande n’est pas indispensable, les oeufs et les laitages apportent les acides aminés nécessaires. Beaucoup souffrent de troubles dus à un excès de protéines animales : urée, ac.urique, acidification...
Des surfaces de terre considérables sont transformées en zones de pacage,
aux détriments des cultures de plantes vivrières. Chaque kilo de boeuf produit nécessite de 7 à 10 kilos de céréales. Selon la FAO, le bétail provoque 18%
des émissions totales de gaz à effet de serre !
Une autre voie est à ouvrir dans nos rapports avec les animaux :: réduire drastiquement la consommation carnée, traiter avec dignité et sensibilité les
animaux d élevage que l’on doit sacrifier. Après des siècles d’exploitation de
son fidèle compagnon, l’homme est-il prêt à lui octroyer un peu déconsidération ? L’animal doit-il rester « le meuble le plus proche de l’homme ?
« Si un être souffre, il ne peut pas y avoir de justification morale au refus de prendre cette souffrance en considération. Peu importe quelle est la nature de cet être, le principe d’égalité requiert que cette souffrance soit
comptée de la même façon. » Singer 1975, universitaire à Melbourne,
spécialisé dans les comportements éthiques à but utilitaire