Dire la vérité sur la « Croissance », C’est passer de l’imaginaire des contes à la réalité des comptes !
Solution de tous nos maux ? C’est évident, si on refuse de voir la vérité dans sa globalité. Le raisonnement habituel est linéaire, ou en deux dimensions ; on ne voit alors qu’une face des choses. Or, toute chose a trois dimensions, de multiples facettes, et s’intègre dans un réseau infini d’interrelations.
La croissance dont on parle est la production accélérée de biens matériels obsolètes : progrès bien réducteur ! Positive pendant les trente glorieuses, elle est d’un autre temps ; comme les étoiles, sa lumière s’est éteinte et ce qui reste est beaucoup moins prestigieux ! L’actualité nous en livre quelques exemples, de loin non exhaustifs :
1°) Pour l’Organisation météorologique mondiale, 2011 détenait le record d’émission de gaz à effet de serre d’origine anthropique. Le rapport scientifique commandé par la Banque mondiale, signale que si les engagements politiques ne sont pas tenus, d’ici 2060, l’atmosphère se réchauffera de 4 °C. Elle sonne l’alarme : une telle hausse aurait des conséquences dramatiques pour les sociétés humaines.
Les calottes fondent. Des virus, des bactéries, des spores de champignons, sont emprisonnés dans les lacs gelés : en 2009, des espagnols ont recensé, dans un lac, en Antarctique, plus de 10.000 espèces de 12 familles différentes, certaines inconnues ; réémises dans l’atmosphère, certaines pourraient devenir dangereuses. Le système immunitaire d’un être humain, adapté à son environnement, serait sûrement incapable de se défendre face à certains virus datant par exemple de 3 millions d’années ! Il faut donc s’attendre à de nouvelles maladies. Si certains virus ne survivent pas après le dégel, d’autres s’adaptent très bien. A la station Byrd, le réchauffement de l’Antarctique occidental a doublé depuis 1958 !
En 2012, l’acidification des océans a atteint un record inégalé depuis 300 millions d’années ! Plus de gaz carbonique, c’est plus d’acide carbonique ; la formation du carbonate de calcium devient impossible, donc la construction des coquilles : coraux et mollusques. On observe déjà cet effet.
Le niveau des mers s’élèverait encore plus. Dix villes dans le monde et de nombreuses îles du Pacifique seraient menacées. Où iront les réfugiés climatiques ? Quelles seraient les conséquences en France ?
Le cycle de l’eau s’est accru de 4% depuis 1950. Plus il fait chaud, plus l’eau s’évapore (sécheresses) et plus les précipitations augmentent (inondations), Chaque degré supplémentaire pourrait provoquer une accélération d’environ 8% ! Avec une hausse de 4°C prévue ??
L’augmentation des cyclones, ouragans, vagues de chaleur, sécheresses, pourrait provoquer des incendies, transformations ou dépérissements de forêts, des guerres autour du problème de l’eau, vitale et déjà rare : la sécheresse a bien eu raison des Mayas ! Chaque minute, 23 hectares de sols agricoles sont transformés en désert du fait de l’activité humaine. Les moussons, modifiées, l’agriculture ne s’adapterait pas, les écosystèmes ne s’ajustent pas aussi vite. La malnutrition provoque déjà une mortalité infantile élevée.
Les événements extrêmes favoriseraient les épidémies. Les inondations diffusent polluants et éléments pathogènes dans les nappes phréatiques et les réseaux d’approvisionnement en eau potable.
« Après les sols gelés et les sédiments des fonds océaniques, une autre source de méthane est identifiée dans l’Arctique : là où la glace de mer est fracturée il s’échappe du méthane. Le gaz serait produit dans les couches superficielles, peut-être par des bactéries. Ce phénomène amplifierait à son tour la hausse de température. » Eric Kort Jet propulsion Laboratory de la Nasa.
Les ressources halieutiques s’effondrent : le prélèvement est supérieur à la reconstitution, le chalutage profond est redoutable ; des stocks sont déjà épuisés. Les naissains d’huitres meurent par atteinte de virus, etc.
2°) Entre 1989 et 2005, le taux de spermatozoïdes des Français a diminué d’un tiers, la proportion de gamètes normaux a été réduite d’autant. Si certains polluants, dont les perturbateurs endocriniens, semblent en cause, notre changement de mode de vie y contribuerait aussi : chauffage excessif, sédentarité, explosion de l’obésité peuvent altérer l’expression des gènes (facteurs épigénétiques).
3°) Maladies cardio-vasculaires, cancers, diabète, obésité... Les maladies chroniques touchent 24 millions de Français et représentent 83% des dépenses de santé. Le lien avec les évolutions environnementales ne fait pas de doute. Les particules fines de l’échappement des diesels (60% des véhicules en France), sont responsables de 40.000 décès prématurés par an ; les perturbateurs endocriniens sont encore en cause.
La France s’était engagée au Grenelle à réduire l’usage des pesticides de 50% entre 2008 et 2018. On en est à 2,5%... d’augmentation !
4°) Les produits toxiques industriels, en 2012, d’après une ONG américaine et la Croix verte suisse, ont causé 125 millions de victimes. L’impact sanitaire est« égal ou supérieur » à celui des grandes épidémies comme le Sida (29 millions de malades), la tuberculose (25 millions) ou la malaria (14 millions). « On est frappé du déficit d’intérêt que suscitent les sites toxiques comparé à l’ampleur de l’action internationale et gouvernementale pour éradiquer et soigner les maladies infectieuses » S. Robinson, service déchets et dépôts toxiques, la Croix verte suisse.
La salinisation des rivières augmente ; elle devient très préoccupante pour la santé.
5°) Le cerveau, hier insondable, devient visible ; la procréation s’artificialise ; l’ADN est manipulé, des briques d’ADN sont en vente sur Internet. L’humain est sur le point de désigner tout autre chose : « Autrefois, corps/esprit, homme/animal, vivant/inerte, séparaient des mondes dissemblables, ce n’est plus le cas. Tout cela impose de repenser l’humain qui advient. » Monique Atlan, R-Paul Droit.
Voilà les comptes de la croissance contée, « indispensable » ! Catastrophisme ? Non, la réalisation s’opère sous nos yeux. Les nostalgiques du passé s’imaginent pouvoir relancer la croissance d’avant par la compétitivité, prédation, production, consommation, gaspillage, privatisation ; les calamités évoquées ne sont pas le problème mais la solution : une source inépuisable de reprise économique. L’individu devient un simple capital humain à gérer, il peut donc être sacrifié s’il n’est plus rentable. C’est le cas avec les politiques d’austérité ; si la retraite, les soins, l’emploi, sont trop chers, on supprime. L. Parisot juge scandaleuse la part des retraites dans le PIB ! La structure même du contrat social est renversée : au lieu de protéger l’individu, le collectif le sacrifie. L’individu ne connaît plus égalité ou bien-être collectif ; il doit ignorer les autres ! Pour la philosophe américaine, Wendy Brown, le néolibéralisme c’est la « dédémocratisation ». Toutes les conceptions de la dignité humaine formulées par Kant : « l’homme est une fin et non un moyen », par Locke : « l’homme a le droit à la protection », ou par Rousseau :« les hommes s’assemblent pour se gouverner eux-mêmes », s’effondrent. Pour les réalistes, il faut changer de cap, sociologiquement et économiquement. Intelligence et connaissances, sont les clés, après celles du néolithique et du XIXème, d’une « troisième révolution industrielle » basée sur une croissance excluant les énergies fossiles, intégrant les énergies renouvelables, remplaçant le jetable par le durable ; possible, pour Jeremy Rifkin, grâce aux nouvelles technologies. Pour lui, l’Hexagone est en pointe.
Comme Ulysse, résistons aux sirènes qui font perdre le sens de l’orientation salutaire ! Sinon, à nous les soins palliatifs, et ils ne seront pas remboursés !