Il aura régné sur cette quinzaine de festival comme une atmosphère impressionniste : on y rendait hommage à Albéniz avec de très intéressants programmes de ses œuvres et de celles de ses maîtres et pairs.
On retiendra une lumineuse Sonate de Debussy où le violon généreux et profond, riche et ample de Teddi Papavrami resplendit dès le premier coup d’archet et où J-F. Neuburger irradie du piano par une sensibilité, une attention et la vigilante écoute de son partenaire. Leur Debussy fut un modèle de limpidité et de transparence de ses savantes harmonies. Même dans la densité du Concert de Chausson, le piano de Neuburger est clair et d’une redoutable précision : ce qui différencie le bon musicien du grand artiste, c’est l’intelligence de la musique.
A chaque nouveau concert, on découvre l’orchestre de Pau transformé. Fayçal Karoui a de nombreux talents, dont celui du verbe, et surtout celui de faire travailler la phalange paloise. Précision des cordes, cohérence des timbres, netteté des nuances, tout est là pour séduire l’oreille avertie. Leur programme Fauré fut de toute beauté, avec un superbe Pelléas et un Requiem inspiré, les plus beaux récemment entendus. Le chœur amateur de Pascale Verdier montre ses qualités de précision, de justesse et de musicalité, de cohésion aussi malgré le nombre, entre et dans les pupitres. Deux formations dont la Côte basque ne dispose malheureusement plus et dont elle n’est (« allo, Monsieur le Maire ? ») pas près de disposer.
Que dire du Quatuor Talich qui n’ait déjà été écrit ? Qu’un solo du violoncelle vous bouleverse, qu’un trait du violon vous saisit ou qu’un duo de violon et alto vous chavire ? Que les tempos sont justes, ni trop lents ni trop rapides ? Non : que c’est ici et maintenant que vous êtes plus heureux que jamais ni nulle part ailleurs ! Le temps ne passe plus ou alors il passe trop vite. On est sorti de l’ultime Quatuor de Mendelssohn ravagé. Ravagé par tant de beauté, par tant de cohésion, par tant d’élévation et de sublimes accents, ravagé par cette constante tonalité de fa mineur enfin, entêtante, sombre et triste, si terriblement triste. Une terrible splendeur !
Et puis il y eut Olivier Chauzu. Et ce pari osé de l’intégrale d’Ibéria. Car si tout le monde en a entendu parler, si tout le monde en a entendu « un bout » [sic] on l’a rarement entendu in extenso. Tout Albéniz est là dans ces douze impressions de soleil levant, couchant, clair, rayonnant, irradiant puis subitement de plomb. L’œuvre a ses âpretés et ses longueurs. Mais elle a aussi une unité et une densité qui n’ont pas échappé à la pâte de Chauzu ni à sa tête bien pleine, encore moins à son talent. C’est une perle, ce garçon : de la masse sonore, il sait extraire le fragment mélodique que l’on n’avait pas remarqué, il fait chanter son piano avec une infinie poésie, puis grogner et rugir sauvagement, il le malmène sans retenue et pourtant l’air de rien. Sous la main unique d’un pianiste d’exception, ces quatre monumentales sonates modernes saisissent, emportent pour finalement paraître faciles : un cadeau.
On nous annonce un cinquantième festival d’exception. S’il est de cet acabit, on y va.