Dans Alternatives Paloises du 9 janvier, j’avais proposé une réflexion sur les vœux de nouvel an des lecteurs publiés par nos quotidiens La République et l’Éclair du lundi précédent : alors qu’à la St-Valentin 2004 et au Nouvel an 2005 un ou deux messages sur plusieurs centaines attestaient encore d’une timide présence sociale du béarnais, le seul de 2012 qui n’était pas en français était en italien.
J’en concluais que quel que soit le nom dont on la désigne et la façon dont on l’écrit, la vieille langue romane du Béarn ne peut plus être considérée comme vivante.
Les commentaires et réactions qui ont suivi ont porté sur plusieurs sujets connexes, mais aucun n’a contredit ce triste bilan ; un ami m’a simplement fait remarquer que ce n’était vrai que pour l’écrit, mais que l’on continue à parler la langue. Certes, mais en dehors des militants qui la parlent entre eux, surtout devant des non-militants pour montrer que la langue est vivante, les locuteurs habituels sont très âgés pour la plupart et n’en ont pas transmis l’usage à leurs descendants.
Pourtant, je m’attendais à une réaction dans les messages des amoureux que nos journaux allaient publier pour la St-Valentin : j’imaginais que les militants de l’« occitan » et du béarnais allaient activer leurs réseaux pour provoquer une déferlante de messages dans cette langue : naïveté d’un Béarnais éloigné du Pays ! Des 300 messages publiés sur huit pages du journal du 14 février PAS UN SEUL en béarnais ou « occitan » !
Les amoureux de notre langue connaissent le proverbe des paloumayrës : A la Sén Miquèu, / l’apèu. / A la Sén Luc, / lou gran truc. / A la Sén Grat, lou gran patac. / A Marterou, la flou. / A la Sén Martîn, / la fîn. (À la St Michel - 29 septembre -, l’appeau. À la St Luc - 18 octobre -, le grand coup. À la St Grat, premier évêque et patron d’Oloron, - 19 octobre -, le grand coup. A Toussaint, la fleur. À la St Martin - 11 novembre - , la fin). Il a inspiré mon titre... que j’aurais aimé plus gai.
Mais cette réalité s’impose aux élus de nos collectivités territoriales (communes, département et région) à qui la Constitution confie la garde de leur patrimoine linguistique : les vieilles recettes auraient pu réussir il y a 100 ans quand une grande majorité de la population parlait béarnais plus que français ; elles sont aujourd’hui totalement inefficaces pour former des locuteurs, et c’est autrement qu’il faut employer l’argent public consacré à conserver l’âme et l’identité du Pays. Les fonctionnaires de l’Éducation nationale ont certainement la compétence professionnelle pour les aider à trouver des pistes, comme dans l’enseignement de l’histoire et des traditions de chez nous.
Aux électeurs béarnais de faire passer le message.
Le réalisme et le défaitisme sont deux choses différentes.
Dire que le béarnais est en déclin est du réalisme. Dire qu’il est mort et qu’il faut le laisser mourir est du défaitisme. C’est ce même sentiment qui a poussé l’assemblée à donner les pleins pouvoirs à Pétain en 1940 pour demander l’armistice.
Cette langue a des lettres de noblesses ; elle fût langue officielle de ce pays dont nous avons conservé les fors. Elle fait partie de notre patrimoine commun, à nous pyrénéens gascons.
Mais cette humeur de jean Lafitte est somme toute très.. béarnaise ? les chants béarnais traditionnels sont souvent des complaintes, des lamentations, tel le berger se lamentant sur la fin des transhumances ou sur le rejet de son amoureuse, promise à un meilleur parti.
Jean Lafitte serait-il le troubadour béarnais mélancolique de ce début du XXIème siècle ? Peut-être serait-il inspiré d’écrire une chanson en béarnais..
> Au Nouvel an, triste bilan ; à la St-Valentin, la fin
Tout ceci est d’un grand réalisme, les temps changent...
Il n’y a plus de "gran patac" car les palombes ne passent plus au dessus de la forêt du Bager ou des filets de Lanne, elles préfèrent les immenses champs de maïs des Landes...
Ceci ne veut pas dire qu’il faut tout oublier, ni empêcher les derniers amoureux de cette langue de vivre leur passion.